Sombre cuisine
Pas envie de cuisiner.
C'est terrible, quasi-inconcevable pour moi.
J'attends depuis des mois, voire des années, ce moment, cette parenthèse professionnelle, cette crise de la quarantaine, pour me décider enfin à me consacrer à plein temps à ce que j'aime faire pendant des heures sans me lasser, à ce que j'aime partager, à ce que j'aime tout court.
Et puis plus rien.
Le sol, le mobilier, la crédence ...tout est noir. Ma cuisine est sombre à midi, blafarde à minuit, sinistre, déprimante. Allumer le plafonnier de la hotte pour voir si l'eau des pâtes commence à bouillir, à 12h30, dans un pays qui revendique ses 300 jours de soleil par an, c'est juste pas possible (et éclairer une pièce ouverte sur l'extérieur, en pleine journée, c'est juste incompatible avec mon éthique écolo).
Le peu de lumière absorbé par la laque des meubles ne pardonne rien : les petits doigts sur les façades, les gros doigts sur le plan de travail, les micro-miettes sur le sol, la gouttelette sur le lavabo (noir lui aussi, pour ne pas briser l'harmonie sans doute).
Les plantes vertes en crèvent, les tomates se ratatinent dans leur panier, les avocats noircissent sans murir, durs comme du bois.
Si cela ne suffisait pas, le four à gaz s'est définitivement fâché avec moi. Il m'empêche de faire la popotte avec mes enfants, que je dois tenir eloignés afin d'éviter la brûlure au 3ème degré. Façade non isolée, 60 x 80 cm d'acier en fusion. Sur la position minimum, tourner le bouton du thermostat oblige à porter un gant en kevlar. Et je ne suis pas addict du gâteau calciné dessous et tremblotant dedans. Beurk.
Alors voila, le plaisir s'est envolé, je me retrouve la création culinaire dans les chaussettes, l'inspiration en berne ...
Ah si, finalement, elle m'inspire quelque chose cette cuisine : une énorme envie de ne pas y rester.
Un jour, je retournerai cuisiner dans une véranda.
En attendant, si je me remettais à peindre ?